Discussion-rencontre avec Etienne Lesourd à propos d’Emma Goldman et Mikhaïl Bakounine autour des livres « L’agonie de la révolution » et « Dans les griffes de l’ours ». Le mardi 23 mars à 18h30.
L’AGONIE DE LA RÉVOLUTION Emma Goldman
Mes deux années en Russie (1920-21)
Expulsée des Etats-Unis fin 1919, la militante anarchiste débarque en Russie révolutionnée, où elle espère prendre sa part dans la construction d’une société nouvelle. Petit à petit, son enthousiasme va céder la place au scepticisme, puis à la désillusion devant les signes de corruption du nouveau régime qu’elle découvre tout au long de ses voyages dans le pays et de ses rencontres avec les militants et dirigeants du parti au pouvoir, les anarchistes persécutés et de nombreux anonymes. Certes, Goldman fait la part des destructions, des souffrances et des famines provoquées par les interventions armées des Etats capitalistes et de la résistance acharnée des armées Blanches, mais les conceptions « autoritaires » des bolchéviques ont aussi leur part de responsabilités dans cette involution, pense-t-elle, dont on sait depuis qu’elle préfigurait le totalitarisme stalinien. « On ne soulignera jamais assez que la révolution ne sert à rien si elle n’est pas inspirée par son idéal ultime. Les méthodes doivent être en harmonie avec les objectifs révolutionnaires. Les moyens mis en œuvre pour réaliser la révolution doivent correspondre à ses buts », écrit-elle en conclusion de son récit.
« Dans les griffes de l’Ours ». Michel Bakounine
Lettres de prisons et de déportation, présentées et annotées par Etienne Lesourd
Pratiquement, aucun révolutionnaire de son temps – à commencer par les socialistes russes de toutes tendances – n’a évité la prison, mais peu l’ont connue si longtemps, et surtout dans des conditions aussi difficiles. Bakounine a très sérieusement envisagé le suicide, mais il a toujours gardé, au fond de lui, une lueur d’espoir, c’est évident. Seuls ceux qui ont connu de telles épreuves peuvent lui faire des reproches quant à sa Confession ou à la supplique de 1857. On l’a accusé, ainsi, d’avoir en quelque sorte collaboré avec le pouvoir du tsar, mais qu’avait-il à perdre en demandant une commutation de peine ? Il s’en est expliqué dans une lettre à ses amis Herzen et Ogarev : « Devant un jury, au cours d’un procès public, j’aurais le devoir de tenir mon rôle jusqu’au bout. Mais entre quatre murs, à la merci de l’ours, je pouvais sans scrupule adoucir les formes 33. »
Il est temps de découvrir à travers cette correspondance la puissante figure romantique du prisonnier et déporté Michel Bakounine, qui allait devenir, à partir du milieu des années 1860, le grand penseur libertaire et l’admirateur critique de Marx, son adversaire dans l’Internationale, l’inspirateur, aussi, des anarchistes espagnols qui conduisirent une des plus importantes révolutions du XXe siècle.